C’était il y a quelques années, j’avais 23 ans et c’était mon premier vrai job. Une connaissance de mon père, un type qu’il croisait souvent dans le commerce de son meilleur ami, cherchait une assistante de direction. La semaine suivante, je commençais.

C’était une entreprise familiale, des « notables » de la région. La père avait laissé les rênes à son fils, mais il était quand même tous les jours au boulot pour s’occuper des planning des filles des « agences » et des types de la maintenance.

 

mr burns the simpsons

 

Nous étions « une grande famille »; les employées de la direction étaient toutes là depuis au moins 20 ans … sauf l’assistante de direction; j’étais la troisième (ou la cinquième, je ne suis plus sure) et ma collègue RH qui était là pour remplacer un départ à la retraite.

Pourtant il ne m’a pas fallut beaucoup de temps pour voir ce qui se cachait sous les sourires et les allures amicales. Nous étions clairement les « petites gens », les sans le sous, les redevables, les larbins. C’était un honneur de travailler pour eux et de pouvoir les côtoyer. D’ailleurs, une fois par an, le jour de la fête du patriarche, ils invitaient tout le petit personnel (direction uniquement) à partager un repas avec eux.

Pourquoi seulement la direction ? Parce que si nous, nous étions les petits gens; dans les agences c’était des va-nu-pieds.

Prendre des vacances était mal vu dans cette société, tomber malade également , et il est arrivé à des filles d’être punies pour ça. Alors qu’elles n’avaient pas de permis ou des obligations familiales; elles étaient envoyées dans une agence de la ville voisine, à plusieurs kilomètres de leur domicile et pour des durées indéterminées.

Les premiers mois se sont bien passés pour moi; je m’entendais bien avec mes quatre collègues et allait souvent demander conseil à celle de l’accueil, puisqu’elle s’occupait de tout avant que le poste que j’occupais ne soit crée.

Mais pour une raison que j’ignore, cela ne plaisait pas trop à mon patron de ne pas me voir assise à mon bureau (qui était en face de sa porte) … et il sortait souvent du sien pour voir ce que nous faisions. N’ayant rien à nous reprocher (n’ayant rien aperçu de louche lors de ses passages), il a donc fait installer une caméra pointée sur l’accueil sous prétexte de sécurité.

 

Le temps passe et le vernis se craquelle de plus en plus.

Imbus de sa personne et m’as tu vu, doublé d’un gros porc  qui pisse la porte ouverte (alors que nous ne sommes que des femmes et que la porte donne sur nos bureaux). Il reçoit sa jeune et jolie maitresse (les seuls moments où ses stores son baissés) alors que cinq minutes avant je lui passait sa compagne au téléphone. Ils arnaquent les clients qui viennent faire des réclamations … Ça m’écœure.

La père lui, fait encore un peu illusion. Certainement la sympathie de la personne âgée …

 

Puis tout bascule …

Cela fait presque un an que mon père s’est fait agressé et sa déchirure de l’aorte ne cicatrise pas comme il le faudrait. Alors qu’il était dans le coma, ma sœur et moi avions refusé l’opération car il y avait des risques qu’il reste paraplégique ; mais là il n’a plus vraiment le choix, il risque de mourir comme ça, sans prévenir … et puis il est faible et je pense qu’il ne le supporte plus. Il décide donc, pour nous protéger, d’aller se faire opérer en région parisienne et bien que son frère soit sur place, nous voulons lui faire la surprise et être là.

Je demande donc un entretien à mon patron et lui explique la situation. Il connait mon père et son histoire, pourtant il me demande un temps de réflexion. Je n’ai que quelques jours pour prendre mes billets, mon père s’étant décidé sur un coup de tête.

Deux jours plus tard, toujours rien; je n’ose pas le relancer, après tout je viens de commencer et ça me gêne un peu. L’opération doit avoir lieu le mercredi ou le jeudi matin et je veux être là avant (ma sœur ne pourra pas se libérer) pour le voir. Le vendredi ma collègue RH m’appelle dans son bureau :

– « Tu as demandé des jours de congés à M. ? »
– « Oui, c’est pour mon père … »
– « Il m’a dit qu’il a vu ton père il y a deux jours et qu’il n’a pas l’air malade »

J’en reste bouche bée. Lui qui clame haut et fort depuis des mois que mon père et lui sont amis, me traite de menteuse. Je lui explique donc la situation, et elle interviendra en ma faveur, puisque le lundi j’ai une réponse positive.

Le premier avion partira mercredi en fin d’après-midi. Pour ne pas déranger, je vais travailler et pars juste une demi heure avant … histoire de …  Je suis arrivée à Paris trop tard pour le voir, et il est rentré au bloc le lendemain matin bien trop tôt … je ne l’ai donc pas revu avant trois heures du matin, emmailloté et tout froid sur son brancard.

 

monsieur connard

Bienvenue en enfer …

Le lendemain matin, dans un semi brouillard, après avoir contacté mon copain de l’époque, ma famille et avoir noté ce que je devais faire pour organiser ses obsèques, j’appelais le bureau. J’annonçais donc la nouvelle à quelqu’un, en leur disant que je ne savais pas quand je redescendrais; certainement en même temps que le corps de mon père; et quelques jours après l’enterrement.

Le surlendemain IL me téléphone pour prendre des nouvelles, l’enterrement aura lieu le mardi.

Le mercredi matin j’ai une collègue RH plus que désolée en ligne : « Il m’a obligé à t’appeler, il veut savoir quand tu reviens ». 

Je recevrais un appel par jour jusqu’à ce que mon généraliste me mette sous anti -dépresseurs et m’arrête pendant un mois. J’ai des trous de mémoire, je n’arrive plus à réfléchir et passe mon temps à pleurer … je ne suis vraiment pas apte à reprendre une quelconque activité.

Les coups de fils s’espacent mais ne s’arrêtent pas : « Il veux que tu reprennes la semaine prochaine », « Il dit que si tu ne reviens pas il te vire » … L’ami de mon père.

 Quand mon arrêt prend fin, je décide d’y retourner; j’ai été recommandée, je ferais mon boulot jusqu’au bout. Mais à mon tour d’être punie.

Le second jour de reprise, il me convoque dans son bureau, me dit que je ne suis pas assez souriante et que des clients/relations d’affaires l’ont remarqué; il me dit que mon père ne voudrais pas me voir comme ça, qu’il voudrait me voir heureuse. J’ai envie d’effacer son petit sourire narquois avec le presse papier posé sur son bureau, mais cela restera un fantasme.

Son petit discours n’ayant par marché (et pour cause, je suis anéantie), ils passent à la vitesse supérieure.

Il jette des papiers et m’accuse de ne pas les lui avoir transmis (c’est depuis que j’ai la manie de garder le moindre papier et de tout photocopier); il laisse la climatisation à fond au dessus de mon bureau et confisque la télécommande; je n’ai plus le droit d’aller à l’accueil, ni même de bouger de mon bureau. Alors que je mettais un papier adressé au sénior dans sa bannette, au pieds de l’escalier (comme il en était convenu depuis le début) il m’oblige à venir les chercher, en me traitant de moins que rien, pour aller les poser sur son bureau.

J’ai serré les dents pendants un mois et demi; je ne voulais pas leur donner la satisfaction de me voir démissionner. Car c’était bien ce qu’ils recherchaient en me harcelant et en m’humiliant quotidiennement.

Mon médecin m’a de nouveau arrêtée une semaine; puis deux et enfin trois. Jusqu’à ce que je reçoive un courrier recommandé me convoquant à un entretien préalable, pour expliquer mon abandon de poste …

Je ne cherche pas vraiment à comprendre le pourquoi du comment, peut-être la poste a t-elle perdu un des renouvellement; après tout, ça m’arrange.

Puis ma collègue vient me rendre visite et m’explique à titre officieux ce qu’il s’est passé : il à déchiré la deuxième prolongation en disant :  » De toute façon, c’est pas le genre à faire des problèmes« .

Et il avait raison, ce n’est pas mon genre; sauf que je n’aime pas trop que l’on me prenne pour une conne. Me réveillant de mon apathie (il était temps), je décidais donc qu’il ne s’en sortirai pas à si bon compte une fois encore.

Il ne savait pas que j’étais syndiquée et je sais de source sure  qu’il à faillit s’étouffer quand il à reçu le courrier recommandé l’assignant devant les prud’hommes.

Alors que tout jouait en ma faveur, voilà qu’ils restent fidèles à leurs méthodes; j’apprends qu’ils auraient en leur possession une lettre signée de ma main disant que je voulais être renvoyée. Ils ont l’habitude, ils sont bien connus des syndicats à ce qu’il parait.

Peu m’importe, nous faisons un arrangement amiable. Rien de que savoir l’effet que ça a du leur faire de payer pour « une employée aussi ingrate »; çela me met en joie.

Inutile de vous dire que cette expérience à été une grande leçon pour moi, et plus jamais, ô grand jamais le travail passera avant ma famille. La conscience professionnelle oui, la connerie non.

Vous avez déjà eu un patron connard ?

 

ils nous prennent pour des cons v2

 

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Pomme
De la question de l’adoption