« Maman c’est quand que tu meurs ? »
« Et ton papa, il a une tête de mort ? »
« Et tu as combien de mamie ? Elle est morte ton autre mamie ?
« Moi quand ma mamie elle sera morte j’en aurais plus qu’une »
« Maman, tu auras quelle tête quand tu meurs ? »
« Moi quand j’aurais plein d’âge, je serais mort »
« Optimus Prime/Doudou/la voiture ils sont morts »
On y est. Après les « Pourquoi ? » et autres interrogations, nous voici arrivé à celles que je redoutais le plus, celles sur la mort.
Il en avait parlé, il y a quelques temps, mais sans plus. J’avais donc expliqué, un peu, et laissé courir puisqu’il n’avait pas remis le sujet sur la table.
Et puis là, depuis quelques semaines, c’est des questions, presque tous les jours. C’est aussi devenu partie intégrante de ses jeux : ses doudous meurent, les méchants meurent, je meurt, il meurt aussi.
Il n’a pas vraiment conscience de ce qu’est vraiment la mort. Il croit quand quand on est mort on a les yeux en « croix » et que, bien évidement, on peut se réveiller.
J’essaye d’y répondre le plus simplement possible, sans trop en dire, en essayant de rester « naturelle », en retenant mes larmes.
J’ai un problème avec la mort.
Y étant confrontée depuis trop longtemps et bien trop souvent, elle m’effraye au delà de la raison. Le téléphone qui sonne dans la nuit, les hôpitaux, l’espoir suivi du coup de massue, la tristesse, l’anéantissement, la vie qui bascule en une demi seconde …
Quand j’avais deux ans, mon parrain est mort. Il avait 21 ans, il était le dernier d’une fratrie de 6 enfants, il allait se marier. Un bus qui déboîte sans voir la moto, et c’est une famille foutue en l’air pour la vie.
J’aimerais me dire que je me suis rendue compte de rien, mais je sais maintenant qu’un enfant est une vraie éponge et qu’il ressent, sans le comprendre, tout ce qui se passe autour de lui.
Puis il y a eu mon grand-père quand j’avais 6 ou 7 ans. Je me souviens encore du jour et de la façon dont on nous l’a annoncé : « Il est parti faire un long voyage ». Je n’ai pas compris, nous n’avons pas compris, pas tout de suite.
S’en est suivi mon arrière-grand père, mon oncle, mon père, ma grand-mère, mon autre oncle … Une longue suite de décès et une cassure de plus en plus béante.
La mort est partout avec moi, tout le temps. Pendant une période j’y pensais sans arrêt , je ne pouvais pas faire autrement ; j’avais l’impression que si je l’oubliais elle reviendrait. Je faisais des crises d’angoisses terribles, qui pouvaient virer à l’hystérie si je n’arrivais pas à joindre un de mes proches.
J’ai depuis fait un gros travail sur moi, j’ai lâché prise … un peu. Mais malgré tout je reste « fragile ». L’impuissance me tue (uhuh) ; c’est un sentiment que j’ai déjà du mal à accepter pour des choses « futiles », alors pour ça …
J’ai changé pour mon fils, parce que je ne veux pas lui transmettre mes angoisses. Je ne veux pas qu’il parte dans la vie avec un bagage aussi lourd. Je ne veux pas être une mère névrosée qui l’empêche de vivre.
– Je n’ai quand même jamais pu l’appeler « Mon ange » ; et j’étais terrorisée par la mort subite du nourrisson –
J’aime à croire que j’ai réussi, même si je ne suis pas dupe … N’aie-je pas dit plus haut que les enfants sont des éponges ?
C’est pour ça que je ne veux pas me louper là dessus.
Alors je lui en parle naturellement, simplement, sans hésitation et sans tabou, avec des mots simples.
Son grand-père est dans les étoiles ou au paradis; chacun à ses croyances , je l’ai laissé choisir. Il n’est pas au ciel puisqu’on peut y aller en avion.On ne sait pas à quoi cela ressemble, parce qu’on ne peut pas revenir pour le raconter.
Il est mort, pas parti, ni en voyage.
On est triste quand quelqu’un meurt, parce qu’on sait qu’on ne le reverra pas. C’est normal. Mais on à aussi le droit d’être heureux en même temps, parce que la vie continue, parce qu’on ne peut pas pleurer tout le temps.
Je ne parle pas de maladie, parce que je ne suis pas sure qu’il fasse la différence entre un rhume et un cancer. Je ne parle pas de corps cassé parce que je ne suis pas sure qu’il fasse la différence entre un bobo et des organes qui arrêtent de fonctionner les uns après les autres.
Je voulais m’aider de livres, mais ceux que j’ai consultés étaient trop dramatiques/flippants à mon goût. Je me suis fait une autre sélection (merci pour vos conseils, vous vous reconnaitrez), et il faudra que j’aille les lire directement en magasin, pour me faire une idée.
En attendant, je respire un grand coup, je reste zen, et j’attends que la période passe.