C’est une phrase que j’ai souvent lu ; une phrase souvent prononcée par les gens qui ont vécu un drame. Ils ne comprennent pas, ils n’arrivent pas à comprendre pourquoi certains s’éloignent ; pourquoi ils disparaissent de leur vie, pourquoi il ne sont pas là pour les soutenir.

Non le malheur ne s’attrape pas, heureusement d’ailleurs, mais il peut nous amener à penser à des choses que l’on veut oublier, à des choses enfouies au plus profond de nous et que l’on souhaite ne jamais voir ressortir.

Il y a bien sur les gens qui s’en foutent, les gens qui ne savent pas comment s’y prendre, ceux que ça ennuie et puis il y a ceux, qui comme moi, ne veulent juste pas y penser.

Dans la vraie vie, je serais toujours là pour mes amis, bien évidement … mais sur internet, souvent, je passe mon tour. D’autant plus quand il s’agit d’un enfant.

Il y a quelques années de ça, j’ai perdu mon père. Oh ce n’était pas l’amour fou, nous n’avions pas une relation fusionnelle; je dirais même que c’était plutôt compliqué.

Ce n’était pas la première fois que je perdais un proche, loin de là … mais c’était la première fois que je mesurais toute « l’horreur » de la chose.

J’ai fait connaissance avec l’impuissance. L’attente interminable … une journée entière à me faire balader, à attendre des nouvelles. Sentir au plus profond de sois que c’était fini, et pourtant espérer jusqu’au bout.

Ne rien pouvoir faire, ne rien savoir. Tourner en rond, se poser des questions, cogiter jusqu’à en devenir cinglé.

J’ai fait connaissance avec le vide. Ne pas y croire, même quand on a le corps sous les yeux … avoir envie de demander au médecin si c’est une blague ? Devoir annoncer la nouvelle à sa petite sœur, à sa mère, à la famille.

Devoir déclarer sa mort, organiser les obsèques, et être ailleurs pendant tout ce temps.

J’ai fait connaissance avec la douleur. Se réveiller le lendemain matin en pensant que ça n’était qu’un cauchemar et se rendre compte que c’est bien réel ; se reprendre une claque.

Récupérer ses affaires, fouiller dans son sac; me sentir mal, comme si je violais son intimité. Mais il n’est plus là, et je ne m’en rend pas encore vraiment compte.

Le voir partout dans la rue, se dire que ça fait longtemps qu’on ne l’a pas appelé et se souvenir que cela ne sert plus à rien.

J’ai fait connaissance avec la mortalité. Si lui, qui pour moi (et malgré mes 24 ans) était fort et « indestructible » pouvait mourir, alors moi, j’étais aussi en sursis.

Si quand on est jeune on se pense invincible, si quand on est jeune on pense qu’il ne peut jamais rien nous arriver … alors ma jeunesse s’est arrêté là.

J’ai aussi fait connaissance avec la solitude. Parce que même si on est plusieurs à vivre la même chose, on ne ressent pas les choses de la même façon. On se renferme tous un peu … pour se protéger, pour guérir.

Je vous passe les mois et les années qui ont suivies. Les deux mois sous anti-dépresseur, pour ne plus penser ; les trous de mémoire, la peur de sortir et de vivre et surtout la peur de perdre encore quelqu’un.

Je vous passe les angoisses et les crises d »hystéries quand je n’arrivais pas à joindre un membre de ma famille au premier coup de téléphone.

Parce que le temps à passé, j’ai grandit et j’ai presque guéri. J’ai vécu un premier grand bonheur en rencontrant Monsieur B. ; et deux ans et demi après ce drame c’est lui qui m’a aidé à reprendre confiance, à relativiser, à parler.

Et puis j’ai vécu le second grand bonheur de ma vie en mettant au monde Mini BN. J’ai découvert ce que c’était l’amour inconditionnel et le bonheur parfait.

Un bonheur que je ne veux perdre pour rien au monde.

J’y pense souvent, tout le temps même … je n’y peux rien, cela fait parti de moi. A la mort, au malheur ; j’y pense pour mieux les repousser.

J’y pense déjà tellement souvent, que je ne peux pas supporter, en plus, celui des autres.

Quand je lis qu’une maman à perdu son bébé à la naissance, comme ça, sans explications ; quand je lis qu’un bébé de deux mois ne fêtera pas ses un an ; quand je lis qu’un enfant a eu un accident… je ne peux pas.

Parce que ça me fait penser que je peux perdre mon bonheur, comme ça, en une seconde et j’en ressent une douleur tellement vive, qu’elle pourrait me rendre folle.

J’ai envie de hurler ma colère face à ces injustices; mais cela ne sert à rien … encore cette foutue impuissance !

C’est ça la vie, il parait … apprendre à faire avec. Je ne peux pas garder ma famille dans une bulle, je ne peux pas les empêcher de vivre, je ne peux pas empêcher mon fils de grandir. Par contre ils ne pourront jamais m’empêcher de m’inquiéter; ils devront faire avec, même si ça les saoulent.

Tout ce que je peux faire, c’est me protéger un peu, en évitant de ressentir le malheur de  ceux qui ne me sont pas proches. C’est prendre sur moi, essayer de laisser aller, de lâcher prise, mais aussi de rester rationnelle.

Il m’arrive souvent de vouloir laisser un mot de soutien, quelque chose, pour montrer que je suis là, que je suis sensible à ce qu’ils ressentent. Mais j’écris, j’efface, je réécris, je pleure et je ferme la page.


Et vous, comment vous réagissez face au malheur des autres ?